Jamais l'humanité n'a connu une telle concentration de richesses et de pouvoirs dans les mains d’aussi peu de personne.
Selon Oxfam, 62 personnes possèdent désormais autant que la moitié la plus pauvre de la population mondiale. Elles étaient encore "388 il y a cinq ans" (*)
Mais comment en sommes-nous arrivés à une telle concentration , jamais connue, des pouvoirs et de la richesse ?
Postulat :
Tous nos systèmes démocratiques, constitutionnels, organisationnels, judiciaires, électoraux, sont construits de façon à répondre au postulat suivant :
« Si les plus pauvres ont le pouvoir alors ils s’en prendront aux biens des riches , il faut donc gérer cette évidence. »
Comment la gérer ? Deux approches sont possibles :
- Comme le préconise Aristote (auteur du traité sur la démocratie à Athènes) : réduire les inégalités;
- Comme le propose Madison (auteur de la constitution Américaine ) organiser une gouvernance politique telle qu’elle permette de monopoliser tous les pouvoirs dans les mains d'une minorité riche.
De toute évidence la deuxième option est celle qui régit le monde depuis le début de la révolution industrielle et plus que jamais, aujourd’hui.
"Mais comment est-ce possible que la majorité pauvre de la population humaine accepte d’être paupérisée, précarisée pour protéger une minorité riche et puissante qui les asservit ?"
Sans vouloir faire de rapprochement historique , en visite en Pologne au camp d' Auschwitz-Birkenau , une question du même acabit m'était venue à l'esprit :
" Mais comment se fait-il que des millions de victimes des camps de la mort ne se soient pas insurgés contre leurs innommables tortionnaires Nazi? "
Dans le cas de l’holocauste ce fut , probablement, parce que l’organisation industrielle, procédurière et déshumanisante de la mise à mort d'humains était tellement efficace qu'elle retirait à l'homme le peu d'humanité et d'esprit de résistance qui lui restait. Elle mettait les pauvres victimes dans la situation du "paradoxe de la grenouille"
Dans le cas de figure qui nous occupe dans ce billet il en va de même, la réponse tient dans la mise en place structurée, réfléchie et la pérennisée des 10 principes , points d'actions suivants:
Diminuer la démocratie
- Le pouvoir doit être concentré entre les mains des riches car plus sages et aptes à gérer.
- L’objectif des constitutions est de protéger les intérêts de la minorité des super riches contre la majorité pauvre dès lors la constitution est organisée pour contenir la démocratie de façon à ce que ce ne soit pas nécessairement la volonté exprimée par la majorité qui soit retenue.
Modeler l’idéologie
Contrôler les efforts égalitaires , « l’excès de démocratie ». Pour ce faire le politique établi un environnement d’insécurité justifiant la répression , la mise sous tutelle, de la liberté individuelle.
Redessiner l’économie
- Augmenter l’importance des institutions financières . Le mouvement a consisté à passer d’une économie de production à une économie de spéculation. C’est la financiarisation de l’économie qui est en croissance exponentielle depuis les année 1970..
- Mettre en concurrence les travailleurs du monde entier.
- Libre circulation des capitaux , du travail mais pas du travailleur.
- Garder les travailleurs en situation de précarité , d'insécurité car ils resteront dès lors mieux contrôlables, corvéables..
Déplacer le fardeau.
- Remodeler le système de taxation afin que les impôts payés par les riches soient réduits et que l’imposition de la majorité laborieuse augmente, assurant de la sorte leur paupérisation pour mieux les contrôler.
- Réserver des havres de paix, des paradis fiscaux pour les riches et les entreprises.
- Concentrer les taxes uniquement sur les salaires et la consommation et pas sur les dividendes et la richesse avec pour prétexte, il en faut toujours un, que cela va permettre d’augmenter l’investissement et l’emploi. Mais rien ne le prouve, s'ils voulaient vraiment augmenter l’investissement et l’emploi ils augmenteraient les salaires de travailleurs qui consommeraient plus entraînant la stimulation de la production ce qui demandera plus de travail et donc moins de chômage et plus d’investissement. Par contre , et aujourd’hui cela frise l’absurde, les entreprises sont assises sur une montagne de liquidités dont ils ne savent plus que faire et de plus beaucoup d’entre elles (les plus puissantes) ne paient aucun impôt.
Le fardeau du soutien social a donc été complètement déplacé vers le reste de la population laborieuse.
Attaquer la solidarité
- La solidarité est dangereuse, car pour eux vous ne devez penser qu’à vous , pas aux autres. Pour arriver à cet objectif les politiques attaquent la sécurité sociale qui est basée sur le principe de solidarité , de compassion pour les autres. Une grande partie de la population survit grâce à cela mais cela ne sert pas aux intérêts des riches. Donc ils se concertent pour détruire cela. Comment ? en coupant les vivres, en privatisant.
- L’éducation est également dans la mire de cette logique de privatisation. Car elle est un efficace ascenseur social et continuer à y donner accès à tous gratuitement ne répond pas aux intérêts élitistes des riches. Si les universités , écoles, sont privatisées vous devez payer et pour certains (beaucoup) cela signifie s’endetter , vous êtes coincé. Néanmoins si vous le faites vous devrez rembourser la dette et donc travailler dans une société privée pour ce faire , vous y serez coincé, corvéable à merci. Aux Etats-Unis cela est évident , dans les années 50 l’état était moins riche qu'aujourd’hui et l’éducation était complètement gratuite, payée par l’état. Aujourd’hui l’état est plus riche et malgré cela les politiques disent qu’ils n’y a plus d’argent pour financer l’éducation. C’est une attaque en règle contre l’égalité des chances de réussir dans notre société.
Gérer les législateurs , les régulateurs
C'est le plus pervers des principes mis en oeuvre par cette nomenklatura.
- Si on analyse la genèse des réglementations économiques et financières on remarque qu’elles sont souvent initiées par ceux-là même qu'elles sont supposées réguler. « On est jamais mieux servi que par soit même » et comment mieux se réguler qu’en contrôlant les législateurs ? Les lobbys banquiers écrivent eux-mêmes la régulation financière.
- Une grande vague de dérégulation a commencé dans les années 70 et depuis lors il y a de plus en plus de « crash » . Mais qu’importe puisque le gouvernement intervient pour soutenir les institutions financières avec l’argent du peuple. Dans un système vraiment capitaliste les investisseurs , institutions qui ont pris des risques seraient ruinés, ici pas !
Les riches et puissants ne veulent pas d’un système capitaliste ils veulent pouvoir demander de l’aide aux Etats dès qu’ils sont en problèmes afin de recevoir l’argent des contribuables. « to big to Fail ». Par contre pour les pauvres aucune intervention s' ils ne savent pas s’acquitter de leurs dettes pour eux le gouvernement n’est pas la solution mais le problème. C’est la base du néolibéralisme :des règles pour les riches , des règles opposées pour les pauvres. Et cela continuera tant que la population l’accepte docilement. C’est à un tel point « institutionnalisé » que les agences qui analysent la santé des entreprises, institutions financières intègrent déjà dans leurs scénarios, les interventions de l’état (l’argent des contribuables) en cas de nouveau crash.
ATTENTION: Le CEPA et le TTIP (Traité transatlantique pour le commerce et les investissements) sont des initiatives qui visent à atteindre et consolider ce principe .
Manipuler les élections
- La concentration des richesses entre quelques-uns entraîne la concentration du pouvoir et l’augmentation du coût d’une campagne est telle que les candidats ne peuvent penser à se présenter que s' ils sont soutenus financièrement par les riches , les puissantes entreprises. Et cela d’une façon tout à fait légale.
- Les présidents, premiers ministres , ministres … sont élus , nommés par le pouvoir de l’argent et pas par la voix du citoyen.
Maîtriser la populace
- Les attaques répétées et de plus en plus virulentes contre les syndicats sont un moyen de réaliser ce principe.
- Les syndicats sont une menace pour les puissants car c’est un contre-pouvoir mobilisateur , et pour régner il faut diviser. Il faut donc réprimer les syndicats pour maîtriser la populace . Aux Etats-Unis seuls 7% des travailleurs sont syndiqués suites aux répressions successives des gouvernements libéraux de Reagan , Bush.
- Progressivement faire croire au peuple qu’il n’y a pas de classe sociale, qu’il n’y a pas de lutte des classes. Alors que la définition des classes est simplement répondre aux questions : Qui donne les ordres ? Qui les suit ?
Modeler le consentement
- L’industrie de la publicité doit son origine au fait qu’il est clair que les puissants se rendent compte que contrôler la population par la force ne serait pas chose aisée. Le contrôle pourra par contre se faire sur les croyances et les attitudes et comment mieux le faire si ce n’est qu’en « fabricant des consommateurs » en fabricant des envies. Créer un " troupeau d’ahuris ".
- L’idée derrière la publicité est de contrôler tout le monde, créer une société d’ahuri(e)s dociles. Et cela marche : Qui passe son samedi après-midi dans la nature ou avec des amis/familles plutôt que se promener hagard dans les allées des centres commerciaux ?Ceux là ne sont peut être pas complètement lobotomisés.
- La société idéale , pour eux , est une société duale , vous et votre télé, vous et votre connexion aux services relayés par internet et qui vous montre à quoi une vie idéale ressemble , ce que vous devez posséder . Ce n’est pas un besoin, vous n’en voulez pas , et vous le jetterez peut-être , mais c’est à cela que l’on mesure une vie idéale.
- L’objectif de la publicité est de créer des acheteurs mal informés qui prendrons des décisions irrationnelles. Ainsi en va-t-il pour les électeurs lors des élections , mal informés (désinformés) et irrationnels .
Marginaliser la population
- Une étude récente démontre que 70% de la population n’a aucun moyen d’influencer la politique et cela s’exprime par des frustrations des attaques désordonnées contre tout un chacun ou sur des cibles vulnérables et cela dévaste les relations sociales. Mais c’est le but. Le but est que les gens se détestent et se craignent les uns les autres, qu’ils se replient sur eux-mêmes, et ne fassent rien pour les autres.
CONCLUSIONS:
C’est la mise en œuvre de ces dix principes qui permet aux puissants, aux plus riches de continuer à mettre en avant leurs précepte hideux « Tout pour moi. Rien pour les autres » .
Une société où la compassion, la solidarité, l’empathie, les instincts, les émotions humaines normales auraient disparus est une société horrible . Je ne voudrais pas que mes enfants y vivent.
Tant que les institutions de production, de commerce ,de médias ne seront pas sous un contrôle participatif et démocratique , nous n’aurons pas une société démocratique fonctionnelle.
« la politique ne sera que l’ombre du marché projeté sur la société ».
Il faut être organisé pour pouvoir mener un contre-pouvoir efficace et pérenne.
"Seules importent les innombrables petites actions des inconnus qui posent les bases des événements significatifs entrant dans l'histoire" .
Ce sont eux qui ont fait changer les choses dans le passé , ce seront eux qui feront changer les choses dans le futur
Soyons ces inconnus!
(*)Sources : Les Echos